La Volga tatare file, mais le vent me prend à revers et de pleine face. La température est de quatre degrés, il faut déposer le cerveau sur l’étagère, ne plus penser à rien, laisser allumer la machine.
Il y a du vent, tout le temps ce vent. Il amène les vagues, quand je veux débarquer, elles s’abattent sur la rive, claquent sur mon bateau, me poussent telles des furies. L’eau tâche de s’engouffrer en passant au dessus de l’hiloire. C’est un vrai combat. La nuit va tomber, je décide de monter le camp.
Devant moi, je l’imagine c’est la confluence. Il n’y a plus de limite, c’est l’immensité. La Kama va rencontrer la Volga, je vais me jeter dans sa bouche. Le paysages est somptueux et désolé. C’est la nature brute. Des hautes falaises de craie blanche composites mélées de roches, agrémentées d’argile rouge. La crête est peuplée de sapins en équilibre.
Pour les géographes, c’est la fin de la Volga, elle pourrait venir à en mourir ici, aux pieds de ces stupéfiants contreforts.
En effet, la Kama qui arrive du nord à un bassin hydrolique plus important que la Volga, elle collecte plus de rivières.
Elle rentre en collision avec le fleuve nationale russe et pourrait bien l’emporter avec elle. Seulement, historiquement, les Russes continuent de l’appeler Volga puisque les plus grands établissements de population s’y trouvent et qu’elle est depuis toujours la route du commerce vers Astrakhan. La Volga est éternelle.
En descendant du Narak, je regarde la falaise. C’est une coupe géologique fabuleuse, riche de strates d’une histoire millénaire. Des roches en ressortent, j’en prends une que je lave dans l’eau. Les dessins qui y sont incrustés sont vertigineux, c’est l’espace, le tout et le néant à la fois, un morceau de ciel, un bout de cosmos. C’est certain, le lieu est puissant, il a été modelé par des forces olympiennes.
A présent, c’est la route du sud, je parcours les kilomètres en vue d’atteindre Oulianovsk, Togliatti, Saratov. Le vent m’etreint, moi je m’éteins. Les bras en compote, je suis déconfituré.
Le village de Bolgar se confond dans le lointain, je change de rive pour m’en approcher. Une île, j’accoste. Un homme sort d’une maison de bois, il s’approche du rivage, cigarette à la bouche, teint olive et yeux bleus, chapka sur la tête.
Vladimir gère une petite ferme avec des vaches et quelques brebis. La maison est assez grande, il y a des lits, je pourrai passer la nuit.
L’homme n’est pas bavard, il fume assis près du poêle, il fait bon dans la datcha.
La radio s’anime entre le passage des informations et de chansons pop russes. J’apprends que Jacques Chirac est décédé.
-“Vous savez qui est le président de la France ?” je lui demande.
L’homme ne sait me répondre. Il va me cuisiner des pommes de terre, m’apporte des poissons sechés et un litre de lait de chèvre.
Il me dit :
-” C’est pour toi, prends tout, je n’ai pas beaucoup de visiteurs”.
Je me réveille à 4h30, le coq chante. Vladimir fume au coin du poêle. Il m’a fait bouillir des œufs pour le petit déjeuner.
Mon bateau est prêt à 5h30, c’est le lever du soleil. Je remercie l’homme à la chapka.
Ce soir, j’ai atteint le réservoir de Khuibyshev. Si la météo le permet, demain, je serai à Oulianovsk, la ville natale de Lénine.
Mon ami, tes aventures m’impressionnent, m’apportent du plaisir mélangé à des évasions vers l’Est. Qu’est que tu as raison de vivre ta vie! Chapeau.
Quand tu reviendra et que ton chemin t’emmène à Bordeaux, je serai content d’écouter tes road trip stories autour d’un magnum de rouge…..
Bogdan
Buna ziua Bogdan, très heureux de te lire. Tu m’as beaucoup inspiré avec Bordeaux Vertigo lors de nos rencontres, je manquerai pas de te faire signe quand je serai à Bordeaux. En attendant, je suis sur une plage de la Volga, devant la cimenterie de Volsk 😅